Mort d’un compagnon maçon
Procès Verbal
Ce jourd’hui onze thermidor an neuf de la République françoise, quatre heures après midi, moi maire de la commune de Valenton, averti par le citoyen Perrier cabaretier en cette commune qu’un ouvrier maçon qui travailloit au bâtiment du citoyen Beauvais propriétaire du ci-devant presbytaire s’estoit tué sur la place ; je m’y suis sur le champ transporté, et effectivement ai trouvé à l’entrée dudit bâtiment un homme étendu mort, la tête entièrement fracassée et une mare de sang à côté dans les pierres et gravois sur lesquels il estoit tombé. Autour du cadavre étoient le citoyen Piquenois officier de santé de cette commune, les citoyens Beauvais, maçon, et frère du propriétaire, Louis François Dieuleveux, boulanger, Antoine Legrand vitrier et Jean Baptiste Perrier, le même qui étoit venu m’avertir, tous domiciliés en cette commune et le nommé Jean Marie Courtin manœuvre à maçon âgé de dix neuf ans de la commune de Boussy Saint Antoine, lesquels témoins après serment par eux faits de déclarer vérité, ont dit qu’ils viennent d’être témoins de l’accident qui a causé la mort du compagnon maçon, qu’il n’y a pas d’autres causes et que la chute qu’il a faite en est la seule cause.
J’ai ensuite requis le citoyen Piquenot de faire la visite du cadavre et de m’en faire son rapport, ce qu’il a fait sur le champ après avoir prêté le serment de le faire avec fidélité de laquelle visite il résulte que la partie supérieure du coronal étoit enfoncée de la profondeur du doigt et la partie latérale de la pommette du côté droit fracassée ainsi que l’os temporal, ajoute le citoyen Piquenot que la cause de la mort du maçon est celle de la chute qu’il vient de faire, ce qu’il affirme véritable.
Il a été fait ensuite en ma présence et de celle des citoyens ci-dessus dénommés, la visite des vêtements qu’il avoit sur son corps dans la poche gauche du gilet s’est touvé un sac de peau jaune dix écus de six livres [1]
et un petit papier dans lequel étoit enveloppée une pièce d’or de la valeur de vingt-quatre livres frappée en mil sept cent quatre vingt six et marquée de la lettre A. Dans la poche de droite de sa culotte de toile contenant trois pièces de cinq francs, un écu de trois livres, deux pièces de trente sols, deux pièces de vingt quatre sols dont l’empreinte est entièrement usée, deux pièces de douze sols, une pièce de quinze sols, quatre décimes et un liard. Plus dans le même sac étoit une petite paire de boucles de jarretières d’argent ainsi que les chappes et ardillons [2]
Dans sa veste placée dans un trou de boulin [3] du bâtiment où il s’est tué, s’est trouvé un portefeuille de cuir renfermant le passeport à lui délivré le neuf germinal an sept par l’administration municipale de Compreignac département de la Haute Vienne, par lequel il appert qu’il se nomme Guillaume Dumontel, qu’il est marié, domicilié à Theilhet commune de St Symphorien canton de Compreignac, département de la Haute Vienne, que lorsque le passeport lui a été délivré il étoit âgé de quarante deux ans, et qu’il étoit pour, par lui, se rendre à Paris pour y travailler de son état de maçon.
Nous étant ensuite enquis de l’endroit où il couchoit, et nous ayant été dit que c’estoit chez le citoyen Beauvais, frère du propriétaire du bâtiment, celui-ci nous a dit qu’effectivement, il lui avoit donné retraite jusqu’à ce jour dans son grenier où il couchoit sur du foin dans des draps appartenant à lui Beauvais.
Perquisition fut faite dans ledit grenier des effets du défunt. S’y est trouvée une vieille veste bleue en loque, une paire de bas de laine de même couleur rempiétée [4] en laine blanche, deux courroies de cuir, deux cuillères à bouche d’étain, une mauvaise [5] paire de bas de fil blanc, une très mauvaise cravate de soie, un mauvais mouchoir de poche rouge et blanc, un bonnet de laine et une chemise de grosse toile déchirée en plusieurs endroits que le citoyen Beauvais m’a déclaré être les seuls objets appartenant aud. Dumontel. Nous a aussi déclaré ledit Beauvais que comme chargé de la conduite dud. Bâtiment par son frère, il étoit dû au défunt Dumontel treize journées et demi par lui employée à raison de trente six sols par jour.
Et de suite ayant fait remettre tous lesdits effets dans le sac de toile où ils avoient été trouvés, je l’ai remis à la garde du citoyen Perrier ci-dessus nommé qui s’en est chargé pour le tout représenter à l’exception de l’argent monnoye, des boucles de jarretière ci-dessus décrits et encore d’une taille de boulanger [6]. marquée de treize crans trouvée dans une des poches de ses vêtements dont je me suis chargé pour les remettre à qui de droit.
Ce fait, j’ai fait transporter le cadavre dans une pièce par bas attenant le temple dont j’ai fait fermer la porte pour n’être ouverte qu’après vingt quatre heures et lorsque je procèderai à l’inhumation, laquelle attendu qu’il n’existe aucun genre de délit, que la cause en est prouvée et dûment constatée, ordonne qu’elle sera faite en la manière prescrite par la loi, que l’acte en sera fait sur les registres mortuaires de la commune sous les noms et signalements portés au passeport, et que la présente ordonnance et ledit passeport seront annexé audit acte, me réservant ensuite de donner avis de son décès au maire de la commune de St Symphorien, canton de Compreignac avec invitation d’en faire part à la veuve du défunt.
Et ont les témoins ci-dessus dénommés, à l’exception du citoyen Jean Marie Courtin manœuvre qui a déclaré ne savoir ni écrire ni signer de ce interpellé suivant la loi et le citoyen Piquenot signé avec moi le présent procès verbal qui a été fait sur le champ et en leur présence fait et rédigé.
Perrier, Piquenot officier de santé, M. Beauvais, Legrand, Dieuleveux, Boullenois Maire
Sources :
Archives départementales du Val de Marne, Etat Civil : 1 NUM/VALENTON 9 (1798-1802) pages numérisées 79-83.